Une place au Paradis [PV Deria] [Terminé]

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Uriel était dans son bureau, occupé à la fastidieuse tâche consistant à noter le nom de tous les morts dans le Grand Livre.

Trempant sa plume dans l’encrier, il ne put retenir un léger soupir. Cette tâche l’ennuyait, et quand il devait s’y atteler, il lui arrivait de regretter sa décision de ne pas prendre un assistant qui s’en chargerait pour lui.

Mais cette pensée l’amenait toujours à repenser à Eria et à son impardonnable trahison.

Comme chaque fois que ce souvenir désagréable lui revenait à l’esprit, il serra les dents.

Soudain, il ressentit un appel. Un appel provenant de la terre. Un appel qu’il eut la tentation d’ignorer.

Comment osait-elle ! Comment osait-elle le convoquer de cette façon, après sa trahison.

Toutefois, il était contrarié, et finalement, son appel tombait à pic. Il pourrait au moins passer sa mauvaise humeur sur celle qui en était la cause.

Déployant ses ailes, il quitta le paradis pour gagner la terre, bien décidé à en découdre avec la démone de la mort.

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Déria attendait avec un peu d'anxiété l'arrivée d'Uriel. Elle savait qu'il serait probablement extrêmement contrarié d'avoir été ainsi apostrophé.

Mais pour Enoch, elle était prête à affronter la colère du Gardien.

Le visage du Vieil homme était paisible. Il naviguait entre lucidité et inconscience, et la dernière fois qu'il avait repris connaissance, il lui avait souri. Il ne parlait plus, mais elle avait sondé ses pensées. Il attendait son heure avec la sérénité de ceux qui ont la conscience tranquille. Il ne craignait pas la mort.

Mais ce qui avait brisé le cœur de la démone avait été de voir qu'il pensait qu'elle le rejoindrait un jour ou l'autre, et qu'alors ils seraient réunis pour l'éternité. Elle savait que ça n'arriverait pas.

Ses larmes coulaient toujours sur ses joues. Elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas comment un démon pouvait ressentir une telle émotion. Bien sûr, elle l'avait aimé, mais elle avait pensé que sa condition de démon la mettrait à l'abri de la souffrance.

Elle réalisait que ce n'était pas le cas, et que c'était probablement même pire.

Déria était penchée vers Enoch pour l'embrasser une dernière fois quand la porte s'ouvrit avec fracas.

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Arrivé à l'endroit d'où était venu l'appel de la Démone, Uriel réalisa que sa colère avait altéré son jugement.

Il n'y avait pas que Déria ici. Il ressentait aussi une âme. Une âme humaine. L'âme de quelqu'un de bon, une âme qu'il aurait dû déceler bien plus tôt. Une âme à laquelle la démone de la mort n'avait aucun droit de prétendre.

Une nouvelle flambée de colère l'envahit. Elle l'avait fait venir pour le défier ? Soit elle avait perdu l'esprit, soit elle avait pris beaucoup d'assurance depuis son bannissement.

Quoi qu'il en soit, elle ne ferait pas le poids face à son courroux. Elle n'avait jamais été une combattante, et même si elle avait probablement appris quelques petites choses depuis qu'elle était devenue un des lieutenants de Lucifier, elle ne pouvait pas faire le poids contre lui. Il allait lui donner une leçon dont elle se rappellerait ! Il lui passerait l'envie de le provoquer de cette façon.

Un sourire mauvais s'afficha sur son visage. Il y avait longtemps qu'il avait envie d'en découdre avec elle, mais jusqu'ici, elle s'était toujours soigneusement tenue éloignée de son chemin.

Ouvrant la porte avec fracas, il entra dans la maison.

Quand il vit la démone penchée sur le corps de l'homme étendu dans le lit, son sang ne fit qu'un tour :

-« De quel droit ! De quel droit cherches-tu à t'approprier cette âme ! Il est à moi ! »

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-« De quel droit ! De quel droit cherches-tu à t'approprier cette âme ! Il est à moi ! »

Deria ne put retenir un léger sursaut en entendant le rugissement d'Uriel derrière elle.

Elle prit quand même le temps d'embrasser Enoch une ultime fois avant de se relever en abandonnant l'apparence de vieille femme qu'elle avait adoptée pour ne pas inquiéter le mourant.

Elle se retourna vers Uriel. Il semblait fou de rage. Et Deria dut combattre le vieux réflexe qu'elle avait toujours eu face à lui, surtout quand il était dans cet état-là. Celui de baisser la tête.

Quoi qu'il en soit, il semblait avoir déjà décidé que l'âme d'Enoch lui appartenait. Elle n'aurait donc pas à le supplier. C'était très bien ainsi.

Elle réalisa qu'elle avait été bête de l'appeler. Elle aurait dû laisser les choses se faire toutes seule. Elle savait que l'âme d'Enoch était pure, elle aurait du savoir qu'Uriel se chargerait de l'accueillir au paradis.

En l'appelant ainsi, elle n'avait fait que compliquer une situation qui aurait dû être simple.

Visiblement, l'agonie du seul homme qu'elle ait jamais aimé l'avait encore plus perturbé que ce qu'elle pensait.

Soutenant le regard de son ancien supérieur, elle s'efforça de juguler les sentiments qui l'envahissaient. Avant de répondre d'une voix qu'elle voulait assurée :

-« Je n'ai pas l'intention de te disputer cette âme. Je sais qu'il n'a pas sa place en enfer. »

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-« Je n’ai pas l’intention de te disputer cette âme. Je sais qu’il n’a pas sa place en enfer. » répondit la démone d’un ton qui sembla légèrement tremblant à Uriel.

Il étrécit les yeux avec suspicion. Que faisait-elle là si elle n’avait pas de vues sur l’âme de cet homme ?

Il envisagea même un instant qu’elle ait voulu le piéger, mais il ne ressentait aucune autre présence autour d’eux.

Elle était seule, elle n’avait pas amené ses troupes avec elle, et elle ne semblait pas désireuse d’en venir aux mains.

Et puis, elle semblait perturbée. Il commença à envisager un autre scénario. De la part de tout autre démon, ça ne lui aurait même pas traversé l’esprit, mais connaissant Eria, et son manque de jugement, ce n’était pas impossible.

Pour confirmer ses soupçons, il lança une sonde vers l’esprit de la démone. Il s’était attendu à une certaine résistance, ce ne fut pas le cas, mais il comprit qu’elle ne lui montrait que ce qu’elle avait décidé de lui laisser voir.

Leur rencontre dans les bois, cinquante ans plus tôt, et les longues années de leur vie commune, même si ça n’avait parfois été qu’en pointillé.

Uriel ne put retenir une exclamation de stupeur et le regard qu’il posa sur son ancienne assistante fut dur :

-« Tu m’as fait venir pour que je prenne son âme ? Tu veux que j’ouvre les portes du paradis à ton amant ?! » dit-il d’un ton incrédule

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-« Tu m'as fait venir pour que j'emmène son âme au paradis ? Tu veux que j'ouvre les portes du paradis à ton amant ?! » dit-il d'un ton incrédule

Cette fois Déria ne put réprimer son vieux réflexe et baissa les yeux, comme une gamine prise en faute.

Elle se maudissait de sa mauvaise décision. Uriel pourrait ne pas vouloir de lui juste parce qu'Enoch l'avait aimée elle. Son cœur se serra un instant avant que la colère ne prenne le dessus.

De quel droit refuserait-il l'âme de cet homme uniquement parce qu'il l'avait aimée ? Parce qu'il avait été le seul à ne pas voir en elle un démon, mais une personne méritant d'être aimée. Enoch avait vu en elle ce que personne n'avait jamais vu.

Il n'avait jamais su qui elle était. Elle avait toujours pris soin de le lui cacher parce qu'elle savait que ça aurait été une des seules choses qui aurait pu amener Enoch à la quitter.

Ça avait été un homme pieu, qui craignait Dieu et les démons, sans savoir que celle qu'il serrait dans ses bras dans l'intimité de leur chambre en était un.

Relevant les yeux vers Uriel, elle dit d'une voix calme :

-« Il a été beaucoup plus que cela. Et tu n'as pas le droit de le punir à cause de moi. Il n'a jamais su ce que je suis ! »

Elle s'interrompit un instant avant de reprendre :

-« Je croyais que tu étais impartial. Pourtant, là, tu envisages d'envoyer en enfer une âme pure uniquement pour me faire souffrir moi ! Uniquement pour te venger de ce que tu as considéré comme un affront personnel. »

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-« Je croyais que tu étais impartial. Pourtant, là, tu envisages d'envoyer en enfer une âme pure uniquement pour me faire souffrir moi ! Uniquement pour te venger de ce que tu as considéré comme un affront personnel. »

Une bouffée de rage envahit le cœur de l'Archange. Comment osait-elle remettre en cause son impartialité ? Elle qui n'avait pas hésité un instant à trahir sa créatrice et ses amis ?

Elle avait travaillé avec lui pendant des années. Elle plus que quiconque connaissait son impartialité.

Mais, il y avait un point sur lequel elle avait raison. Il avait terriblement envie de la faire souffrir. Et il savait exactement comment s'y prendre.

Il la regarda un instant sans rien dire. Un sourire sadique s'étirant sur son visage avant de reprendre la parole.

-« Tu te trompes. Je n'ai jamais eu l'intention d'envoyer cette âme en enfer. Tu as raison, je l'aurais accueilli même sans ta stupide intervention. Je vais même faire plus que ça. Je vais le prendre sous mon aile, il me faut un nouvel assistant. »

Voyant le visage de la démone pâlir, son sourire s'élargit encore.

-« Et puis, je lui parlerai de toi. Je lui expliquerai ta trahison et ce que tu es devenue. »

Uriel fit une pause. Le temps que Déria comprenne bien ce que cela impliquait. Puis, s'approchant de la dépouille de l'homme, il continua.

-« Je ne doute pas qu'il en viendra à te haïr pour ce que tu lui as fait. Tu lui as volé sa vie. Peut-être même que je l'entraînerai au combat, juste au cas où vos routes devraient se recroiser. Je suis sûr qu'alors il aura très envie de se venger. »

Il récupéra l'âme du défunt et avant de la conduire au paradis, il se retourna une dernière fois vers son ancienne assistante :

-« Tu ne le reverras probablement jamais. Et même si ça devait arriver, à ce moment-là, il te haïra au point de vouloir ta perte. »

Sur ces derniers mots, Uriel prit son envol, abandonnant Déria à son désespoir.

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Déria réalisa immédiatement que sa déclaration avait mis Uriel hors de lui. Ses yeux avaient une expression meurtrière. Puis peu à peu, son expression changea, laissant place à un sourire sadique, et il répondit, d'une voix d'un calme effrayant :

-« Tu te trompes. Je n'ai jamais eu l'intention d'envoyer cette âme en enfer. Tu as raison, je l'aurais accueilli même sans ta stupide intervention. Je vais même faire plus que ça. Je vais le prendre sous mon aile, il me faut un nouvel assistant. »

La démone comprit presque immédiatement ce qu'il avait en tête et elle se sentit pâlir, ce qui sembla beaucoup plaire à Uriel.

-« Et puis, je lui parlerai de toi. Je lui expliquerai ta trahison et ce que tu es devenue. »

Elle avait espéré qu'Enoch garderait au moins le souvenir de leur amour. Mais lorsque Uriel lui aurait raconté sa version de l'histoire, et surtout s'il lui disait qu'il avait passé toute sa vie à aimer une démone, il ne le lui pardonnerait jamais.

-« Je ne doute pas qu'il en viendra à te haïr pour ce que tu lui as fait. Tu lui as volé sa vie. Peut-être même que je l'entraînerai au combat, juste au cas où vos routes devraient se recroiser. Je suis sûr qu'alors il aura très envie de se venger. » Poursuivit Uriel.

Il semblait particulièrement impatient que ce jour arrive. Et Déria compris qu'il l'entraînerait avec le plus grand sérieux.

-« Tu ne le reverras probablement jamais. Et même si ça devait arriver, à ce moment-là, il te haïra au point de vouloir ta perte. »

Oh, si, elle le reverrait. Elle était certaine que quand Uriel estimerait Enoch prêt, il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour que la route des deux anciens amants se croise. Rien ne le réjouirait plus que de voir Déria tomber sous les coups de l'homme qu'elle avait aimé.

Dés qu'il fut parti, elle laissa éclater son chagrin et se jura que plus jamais on ne l'y reprendrait. Plus jamais elle ne laisserait son cœur s'ouvrir. Pour personne.

Quand elle eut repris le contrôle sur elle-même, elle quitta la maison sans même jeter un regard au cadavre de l'homme qui l'avait aimé toute sa vie, et qui, à cause de sa stupidité et des manœuvres d'Uriel, allait passer l'éternité à la haïr.

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