Le feu et la glace [Solo Garance] [Terminé]

Invité

Depuis prés d'une semaine, l'académie bruissait d'impatience. Depuis que le combat entre le Directeur Oldross et le professeur Sévillon avait été annoncé, tout le monde, aussi bien les élève que les professeurs, et même certains habitants de la cité trépignaient d'impatience.

Certains avaient même lancé des paris.

Nim en particulier était très impatient, et ne cessait de parler de cette démonstration ! Garance s'amusait de l'engouement de son ami pour cet évènement. Leurs relations s'étaient un peu réchauffées, et ils passaient à nouveau du temps ensemble.

Il tenait clairement pour le directeur Oldross, il lui avait même avoué avoir parié pour lui. Garance ne s'intéressaient pas aux paris, mais elle devait bien avouer qu'elle aurait plutôt eu tendance à tenir pour le professeur Sévillon.

Elle ne doutait pas que le Directeur Oldross soit un mage puissant, mais elle pensait que face à un démon, aucun humain, si puissant soit-il, ne pouvait rivaliser.

Finalement, le grand jour arriva enfin. Nimrod, dans un état proche de la crise d'apoplexie, l'avait traînée à l'arène des heures avant le début annoncé, parce qu'il voulait être sûr d'avoir de bonnes places. Et finalement, il n'avait pas eu tort. Les gradins étaient bondés. À croire que toute l'académie et la ville entière se trouvaient là.

Quand le professeur Sévillon entra dans l'arène, il y eut majoritairement des sifflets et des huées. Nim, à côté d'elle s'en donna à cœur joie. Visiblement, la plupart des étudiants tenaient pour leur directeur.

Garance pour sa part préféra ne pas se mêler à la cohue, elle ne connaissait suffisamment aucun des deux belligérant pour prendre partie, même si elle s'attendait à une victoire du démon.

Quand le directeur Oldross entra, les gradins tremblèrent sous l'intensité des acclamations.

Ils se faisaient face dans l'arène et échangèrent quelques mots avant que la voix du Directeur ne retentisse dans l'arène :

"Bien ! Avant de débuter le combat, je vais rappeler les règles : à part ne pas tuer votre adversaire, il n'y en a aucune ! Les infirmiers sauront vous rafistoler à la fin du combat, M. Sevillion."

Ce à quoi la voix du professeur Sevillon répondit :

"Oh, mais rassurez-vous, je ne serais pas celui qui aura besoin de soins à l'issue de ce combat, M. Oldross..."

"Alors c'est parti !" déclara le Directeur Oldross en se mettant en position de combat.

Invité

Garance eut l'impression que le combat venait de franchir un nouveau palier. Les attaques de l'un et de l'autre s'étaient faites plus violentes, plus puissantes.

Malgré elle, elle s'était laissée prendre par l'ambiance des gradins et le feu de l'action.

Et le feu était le mot approprié. Oldross semblait avoir une prédilection pour cet élément, même s'il maniait aussi les autres avec dextérité. Quand à Sevillon, il semblait particulièrement apprécier la glace. Autant pour attaquer que pour se défendre.

Mais ce qui la surprenait le plus était qu'Oldross semblait être au moins aussi puissant que le démon. Elle ne savait pas qu'un humain, même particulièrement puissant pouvait ainsi rivaliser avec un démon. Elle pensait les démons beaucoup plus puissants.

Garance commença à envisager que l'issue du combat ne serait pas forcément celle à laquelle elle s'était attendue. Elle commençait à avoir peur. Peur de ce qui pourrait arriver au professeur.

Elle ressentait un sentiment étrange à le regarder se battre. Une sensation qu'elle n'arrivait pas vraiment à définir. Comme si quelque chose au fond d'elle cherchait à remonter à la surface, mais n'y parvenait pas. C'était la sensation qu'elle éprouvait chaque fois qu'elle était en présence du professeur Sevillon, mais amplifiée jusqu'à devenir presque oppressante.

Comme si son instinct cherchait à la prévenir que quelque chose risquait de se produire.

Lorsqu'un déluge de feu, provoqué par le directeur, envahit l'arène, elle eut l'impression que les flammes brûlaient même la pierre des murs. Elle ne put s'empêcher de retenir son souffle. Elle ne voyait pas ce que Sevillon pourrait faire pour contrer cette charge-là. Cette fois, tout démon qu'il soit, le professeur Sevillon risquait fort de finir carbonisé.

Invité

Et soudain Garance ressentit quelque chose qui lui coupa le souffle et faillit lui faire perdre connaissance.

Elle serra les dents en luttant contre l'évanouissement, ignorant les vociférations de Cyrine dans son esprit.

En fait, elle sut, avant même d'avoir suffisamment repris ses esprits pour comprendre ce que Cyrine disait.

Elle avait déjà ressentit ceci, mais à un degré bien moindre. Dans un cimetière, quelques mois plus tôt. Et elle comprit ce que le professeur « Sevillon » avait voulu dire en parlant de « signature magique ».

Selephim.

Elle n'eut même pas besoin de jeter un œil à l'orbe dans son sac, elle savait ce qu'elle y aurait vu. L'orbe plus lumineux que jamais, sa flamme plus forte que jamais, occupant probablement tout l'espace disponible dans la bille de glace et brûlant avec une rage qu'elle ne lui avait probablement jamais connu.

Ses joues la picotaient, comme si tout le sang qui les avait parcourues jusque-là s'en était retiré violemment. Elle savait qu'elle devait être livide.

-« Garance ! Garance ! Gar..."

-...ance... ! »

Elle reprit pied en entendant la voix de Nim à côté d'elle.

Elle se fichait de la voix de Cyrine dans sa tête, mais elle ne pouvait pas se permettre de laisser Nim se douter de quelque chose.

S'efforçant de reprendre une contenance, elle se tourna vers lui.

-« Qu'est-ce qui t'arrives ? » lui demanda-t-il d'un ton qui paraissait véritablement alarmé.

Elle s'efforça de lui sourire en disant :

-« Ce n'est rien... Un vertige. »

Devant l'air dubitatif de son ami, elle ajouta, posant la main sur son bras :

-« Ne t'inquiète pas, Nim. Je suis un peu fatiguée ses derniers temps... Je vais aller prendre l'air. »

Quand il fit mine de se lever pour l'accompagner, elle l'arrêta d'un geste.

-« Non, ça va aller. Ne t'inquiète pas. Profite du spectacle » ajouta-t-elle.

Il ne se fit pas vraiment prier. Il n'était guère désireux de rater la fin du combat.

Elle quitta l'arène dans un état second, ignorant toujours les exclamations et les injonctions de Cyrine dans son esprit.

Invité

Lorsqu'elle reprit conscience de ce qu'elle faisait, elle était dans sa chambre, en train de fourrer ses affaires dans un sac, elle était trempée et grelottait violemment.

Elle secoua la tête pour chasser l'eau de ses yeux. Se demandant ce qui avait bien pu lui arriver.

Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre.

Cyrine.

Enfin, elle devait bien reconnaître que ça avait été efficace. Ses idées s'éclaircissaient.

Elle posa les yeux sur ses mains en train de tasser ses affaires dans son sac.

Elle aperçut l'orbe qui étincelait, au point qu'elle n'avait même pas eu besoin d'allumer les lampes dans la pièce. Toute la chambre baignait dans une intense lumière bleutée.

Alors qu'elle observait ses mains tremblantes, elle remarqua le silence. Pas le silence de la pièce, mais le silence dans son esprit.

-« Ça y est ? Ça va mieux ? Tu es calmée ? » Demanda la voix de Cyrine après quelques instants de plus.

Elle ne lui répondit pas.

-« Qu'est-ce que tu es en train de faire exactement ? » interrogea l'esprit

-« Je m'en vais ! » répliqua Garance. « Je ne resterai pas un instant de plus ici ! » ajouta-t-elle, sentant l'hystérie à la gagner à nouveau.

Cyrine resta silencieuse, le temps que Garance prenne plusieurs profondes respirations pour tenter de retrouver un semblant de calme, avant d'ajouter :

-« Pourquoi ? »

Pourquoi ? Pensa Garance, elle osait demander pourquoi ?! Elle vivait dans sa tête, elle connaissait toutes ses émotions, toutes ses pensées, même les plus intimes !

-« Pourquoi ? » reprit calmement Cyrine.

-« Parce que ! » répondit rageusement Garance, en recommençant à tasser ses affaires dans son sac.

-« Oui » reprit Cyrine d'un air imperturbable « Fait donc ça. Prouve-lui qu'il a raison ! »

Garance s'interrompit à nouveau.

-« Quoi ? »

-« Oh ! Arrête de te faire plus bête que tu ne l'es ! » lui dit durement son amie. « Je sais bien pourquoi tu réagis comme ça. C'est parce que pour le moment, tu te laisses aveugler par tes émotions. Tu ne réfléchis plus ! C'est exactement ce qu'il t'a reproché la dernière fois que vous vous êtes vu ! »

Garance hoqueta de surprise devant le ton qu'avait employé Cyrine. Jamais elle ne lui avait parlé ainsi.

-« Si tu pars, tu lui prouves qu'il a raison. Tu lui prouves que tu te laisses guider par tes émotions ! Tu lui prouves que tu es incapable de réfléchir quand quelque chose te touche ! »

-« Et alors ? C'est vrai ! Je suis comme ça ! Je l'ai toujours été ! C'est ce qui fait de moi ce que je suis ! » répondit Garance avec colère

-« Et bien, il est temps que ça change ! » rétorqua l'amulette « Tu te rends compte que tu est sur le point de tourner le dos à la chance de ta vie parce que tu éprouves des sentiments pour un démon ? C'est un démon ! Un être froid, calculateur et incapable d'éprouver des sentiments ! Qu'est-ce que tu t'es imaginé ma vieille ? Qu'un démon, et pas n'importe lequel en plus, avait pu ressentir quelque chose pour toi, petite paysanne de Dilysia ? Réveille-toi non d'un chien ! Arrête de rêver ! Il ne t'aime pas, il ne t'a jamais aimée, et il ne t'ai....»

Garance bloqua la communication entre elles. Jamais Cyrine n'avait été aussi dure avec elle, et elle n'avait pas envie d'entendre ce qu'elle avait encore à dire.

Dans le silence qui s'en suivit, la jeune femme fondit enfin en larmes. Elle pleura longtemps, jusqu'à ce que l'épuisement l'oblige à retrouver son calme.

Quand se fut fait, elle réalisa que Cyrine avait raison. Elle ne pouvait tourner le dos à la chance inouïe qui lui avait été offerte d'étudier la magie parce que son cœur de midinette avait craqué pour un démon.

Elle réfléchit longtemps à ce qu'elle devait faire. Quand enfin, il parvint à une décision, elle rétablit la communication avec son amulette, lui expliqua ses intentions, prit son silence pour un assentiment et l'ôta de son cou avant d'aller la mettre en lieu sur avec l'orbe.

Pour ce qu'elle avait prévu ensuite, elle voulait être seule. Seule comme elle ne l'avait plus été depuis une éternité.