Un éventuel début de piste [PV Shae][Terminé]

Cette nuit était très calme, la lune éclairait la ville de son éclat spectral si particulier. Ici, postée sur les toits, la ville semblait être en repos sous moi. De toute ma petite hauteur, je dominais la ville et j'avais besoin d'être un peu seule pour le moment.

Je m'assis et entrepris de dévêtir ma cape et de faire l'inventaire de mon état général. J'avais des marques de fouets sur tous le dos et quelques unes avaient été jusqu'à me mordre le ventre ou les épaules, il n'y avait rien d'alarmant, je ne perdais plus de sang et je n'avais pas besoin de soins intensifs, il fallait juste que je fasse attention pendant un temps.

Je regardais le fouet qui m'avait fait ça et que j'avais volé à mon tortionnaire. Il était beau, d'excellente facture, et il m'allait bien mieux à moi que dans la main d'un incapable pareil. Ma seule séance de torture depuis des années et elle avait été complètement bâclée, je n'avais même pas ressentit un petit frisson d’appréhension, rien ! Y pas à dire, les jeunes démons d'aujourd'hui ne savent plus faire une bonne torture traumatisante des familles.

Bon, ce n'était pas tout mais il fallait que je me sustente à présent. Je repassais ma cape non sans échapper une grimace au passage et j'eus juste à tendre l'oreille pour entendre des petits pas légers précipités mais agiles. M'enveloppant dans ma cape d'ombre, la tête bien planquée sous ma capuche, je suivis ces petits pas. N'osant sortir mes ailes de peur d'en déchirer une tant que ce n'était pas cicatrisé, je sautais de toits en toits afin de descendre dans les ruelles. Et je la vis au loin.

C'était ... Aucune idée en fait. Une elfe noire, une démone ? Un curieux mélange des deux. Quoi qu'il en soit, on aura était très particulière et il fallait absolument que je voie ça de plus près.

Mes sabots foulèrent en silence le sol et je pris une ruelle parallèle à sa course afin de lui couper la route un poil plus loin. Ici bas où la lune ne frappait pas, j'avais du mal à la voir. N'y tenant plus, je pris une rue perpendiculaire je pus lui faire face. Rapidement, je regardais son visage ...

... Et me cogna brutalement contre un tonneau que j'aurais pu facilement éviter si seulement ...

... Si seulement cette créature n'avait pas été aussi jolie !

Elle avait du sang de Succube cette petite, il n'y avait absolument aucun doute ! Des yeux de braise, une peau sombre qui devait être une merveille au toucher, des formes généreuses qui semblaient avoir été dessinées par les plus grands artistes de ce monde, des petites oreilles profilées pour le mordillage coïtal. En fait, il lui manquait juste une chose pour être parfaite : ma langue dans sa bouche pulpeuse.

Merci, douce nuit, ton cadeau est parfait.

Je me redressais, essayant tant bien que mal d'avoir un semblant de dignité, et m'adressait à elle de la voix la plus séductrice que je pouvais :

"Bonsoir ! Tu es toute seule par ici ? Tu ne désirerais pas avoir un peu de compagnie ?"

Ce que je pouvais être cliché quand j'étais nerveuse !

L'informatrice ?

Oui, beaucoup de personnes m'appellent comme ça et se servent de ma notoriété et surtout de mon important réseau d'amants et d'amantes comme source d'informations. Cette particularité était telle que je pourrais sans aucun doute contrôler une partie non négligeable de la ville basse. Cependant, un tel contrôle prenait du temps et de l'énergie rien que pour la mise en place et je n'avais franchement pas que ça à faire.

La petite avait eut l'air contrariée à la vue de mes sabots, je ne sais absolument pas pourquoi ils font cet effet aux gens, cependant, ils font ma fierté et grâce à eux, tout le monde me remet facilement. Et puis, après une nuit passée, les gens ne font même plus attentions.

Donc celle-ci me recherchait ? J'étais terriblement déçue qu'elle s'intéresse à autre chose qu'à mon corps. Mais bon, comme on dit, le devoir d'abord le plaisir ensuite, n'est ce pas ? ... Non mais qu'est ce que je dis.

"C'est bien moi mais je préfère que l'on m'appelle par mon nom si ça ne t'ennuie pas. Je suis Shae, pour te servir."

Sur ce je fis une large révérence qui, je l'espérais, montrait allégrement mon décolleté. En me redressant, je m'approchais de la petite perfection et me suis mise à lui tourner autour en jouant allégrement des hanches. En passant près de son côté, je vis que ses mains étaient sur le manche des dagues. Ah, la fougue de la jeunesse ! Non, je n'étais pas de ce genre là.

A mon grand damne, cette beauté était très loin d'être vierge, mais un corps comme le sien était fait pour s'amuser donc je le comprenais aisément. Je repris d'une voix suave lourde de sous-entendus.

"Tu peux te détendre, ma belle. Je ne suis pas là pour te faire de mal, à moins que ce ne soit ton truc. Alors, explique-moi ce que je peux faire pour toi par une si belle nuitée. Après tout, nous sommes seules ici, il y aurait tant à faire."

Je lui souriais du sourire le plus charmant que je pouvais tout en essayant qu'il ne soit pas trop carnassier pour ne pas lui faire peur. Je devais m'estimer heureuse que déjà je ne bavais pas.

Je haussa des sourcils, un tantinet intriguée. Alors elle avait du sang de démon, je notais avec amusement cette particularité. Elle me fit une proposition qui m'arracha un rire. Cette petite me faisait-elle des avances ? Je souriais de toutes mes dents à cette idée. Malheureusement, ma raison me porta à croire qu'elle disait la triste vérité : elle avait vraiment besoin de mon savoir sur un sujet qui avait l'air de lui tenir à cœur. Soupirant, je la regardais de haut en bas.

Dommage, vraiment dommage, cette elfe à consommer sur place semblait presque rougir sur commande. C'était juste ravissant ! J'avais envie de l'embrasser là maintenant, de lui mordiller le lobe de l'oreille, de lui retirer ses vêtements et de sentir l'odeur de son corsage qui, j'étais sure, devait être divine. Puis, je voulais ... Argh !

Avec une peine immense, je refrénais mes plus bas instincts et m'approchais d'elle alors qu'elle me tournait le dos. Je posais deux mains sur ses épaules, un contact que je voulais rassurant, du moins, plus rassurant que sexuel même si je ne savais pas si j'avais bien réussit mon coup.

De la voix la plus douce possible, je dis tout bas, près de son oreille.

"Hé là, du calme. Rien n'est à vendre si cela vient de moi. Ta proposition est des plus intéressante mais je ne mange pas de ce pain là."

J'avais envie d'ajouter que si je la voulais, je n'avais rien besoin de marchander, je l'aurais quoi qu'il arrive ! Mais à la place, je me mordis fermement la lèvre inférieure presque jusqu'au sang. Plus tôt dans la soirée, je n'avais absolument pas la tête à ce genre d'amusement. D'une part, j'avais un conflit intérieur à régler, et d'autres part, mes blessures me faisaient encore tellement mal que je répugnais à ce que quiconque me touche. Mais elle ... C'était plus que tentant de revenir sur mes problèmes personnels et d'en faire abstraction.

Faisant encore le tour autour de ma probable futur conquête, je lui fis face, réfrénant encore la terrible envie que j'avais de regarder plus au sud, je plantais mes yeux dans ses écarlates iris. Mon sourire était à présent franc et sincère et toute lueur lubrique avait disparue, enfin, j'espérais.

"Tout d'abord, je meurs d'envie de savoir de quelle engeance tu tiens ton physique si particulier."

Lui prenant le menton d'une main, l'autre main toujours sur une épaule, je ne voulais pas qu'elle puisse fuir mon regard. Je ne voulais pas qu'elle ait peur de moi non plus. M’interrogeant, je me demandais si je voulais vraiment repartir dans de nouvelles péripétie avec quelqu'un. La dernière m'avait apporté plus de déception qu'autre chose et je ne voulais vraiment pas que les dures lois de la réalité viennent entacher la magnifique créature que j'avais devant moi. Quitte à l'admirer de loin sans jamais goûter au plaisir de la connaitre plus intimement, je ne souhaitais plus que mon amour-propre soit ébranlé par personne, si charmante soit-elle.

... Et en même temps, mon instinct dicta des mots qui sortirent de ma bouche sans même passer par l’approbation de mon cerveau :

"Ensuite, si tu as vraiment besoin de moi, je t'apporte ton aide. Tant que tu n'auras pas entière satisfaction de mes services, et si ça peut te rassurer, je n'essayerais pas de te séduire. Cela te va comme proposition ?"

J'espérais pouvoir tenir parole, sincèrement !

... Et elle m'a embrassée.

La dernière fois qu'on m'avait embrassé avec une telle douceur, ce devait être dans une autre vie. Un baiser simple, instinctif, qui n'a été mu par aucune magie démoniaque (en tout cas, pas de ma part). Les émotions me submergeaient comme des vagues sur le rivage, je me sentais très étrange, excitée comme je ne l'avais pas été depuis bien avant mon dépucelage. Je me sentais stupide aussi d'avoir proposé de ne rien tenter tant qu'elle n'aurait pas satisfaction car manifestement, elle en avait envie autant que moi.

Pendant qu'elle bredouillait des mots d'excuses, j'essayais de reprendre consistance. C'était bien la première fois qu'on s'excusait de ça avec moi, cela me fit glousser comme une vierge. Décidément, qu'est ce que j'ai avec ça moi maintenant ? Voilà que j'aspire à redevenir innocente ! A moins que ce ne soit son pouvoir d'Elfe Noir, après tout, je n'en savais pas beaucoup sur ce peuple reclus et étrange. Oui, c'était certainement ça, pas d'autre explication, personne ne peut espérer pouvoir effacer des décennies de plaisir et de débauche pour une simple demi-mortelle. Si j'ai le temps, je lui demanderais les tenants et aboutissant de cette fascinante aura.

La petite, qui devait faire ma taille, maintenant que j'y pensais, fouillait à présent dans ses effets pour m'en sortir un morceau de toile où une ravissante jeune femelle manifestement humaine était dépeinte.

Alors c'était elle ma rivale.

Malgré moi, je fronçais les sourcils en la regardant, essayant de faire passer ça pour de la concentration.

C'était elle qui avait pris le cœur de Shyael et qui l'avait gardé jusque dans la tombe. Elle qui condamnait une si jolie créature à l'errance afin de faire justice à une âme qui ne vivait même plus. Elle ...

Après moult inspection de son physique et m'être assurée que je n'avais rien à lui envier, je me disais que si je trouvais l'assassin de cette femme, alors le cœur et l'esprit de Shyael (sans parler de son corps) seraient enfin libéré de tout deuil, ainsi elle et moi pourront enfin profiter ... de la vie.

C'était triste à admettre, mais c'était vrai, les gens amoureux ont un goût que la culpabilité vient gâcher. Si j'ai Shyael, je souhaite qu'elle soit entièrement à moi, pas avant ! Non, je confirme, c'était une très bonne décision de ne pas la toucher avant la fin de cette enquête. Que voulez-vous ? On se convainc comme on peut. Allez, au travail. Sur un ton que la séduction avait déserté au profit d'une motivation à rendre la justice, je repris :

"Cette humaine est une noble, manifestement. T'es tu déjà demandé à doit aller son héritage en cas de disparition ? Il suffit de remonter dans la hiérarchie humaine et on trouve Toujours dix fois plus d'assassins que nécessaire. Comment a-t-elle été tuée ?"

Je continuais de scruter la toile afin de saisir la totalité des détails physique et je connaisse le portrait par cœur.

"Cela sera assez dur car ce n'est pas une créature des bas fonts, je côtoie généralement assez peu la noblesse humaine car ils sont beaucoup trop coinc... tatillons... sur certains points."

Je fis signe à la délicieuse petite qu'elle pouvait ranger son portrait à présent.

"J'ai juste une question : Pourquoi moi ?"

Plus la créature séduisante qui se tenait devant moi s'agaçait devant l’injustice purement humaine, plus je prenais conscience que sur ce coup là, il fallait vraiment que je mette à la trappe mes basses pulsions, sinon, elle et moi ne seront jamais sur la même longueur d'onde. Il fallait que je me mette sur l'affaire à deux cent pourcent et, une fois résolue (car j'avais bien l'intention de la résoudre), je pourrais découvrir Shyael sous un jour absolument nouveau et ouvrir ma fameuse trappe.

En pensant à ça, j'avais bien une faible idée, une simili-piste, cependant je me refusais à y avoir recours. Ce serait trop dangereux. Et en même temps, je ne voyais que ça. "L'informatrice", je ne devais ce surnom étrange que grâce à lui après tout.

Non, trop dangereux, aussi bien pour moi que pour elle. Non, il faut réfléchir ! Nous pourrions aller visiter son ancienne maison et découvrir ... quoi ? Elle était habitée à nouveau, si indices il y avait, nul doute qu'ils avaient été égarés ou soigneusement cachés. Nous pourrions aller voir cette fameuse calèche, mais sans doute que Shyael y avait déjà pensé. Et quand bien même, on retrouverait, au mieux, des traces de sabotages.

Mes mains se collèrent de part et d'autres de ma tête et je fermais fort les yeux. Je me rendais alors à l'évidence, je n'avais absolument pas le choix, c'était mon prix à payer. Ma capacité de réflexion se mit alors en branle et toutes les possibilités étaient alors soigneusement envisagées, éventualisées et abandonnées afin d'éviter le danger au maximum à la sang-mélangé. Dans ce genre de moment, j'arrivais à avoir une clairvoyance qui m'étonnait moi-même. Après un long soupir, je me redressais et essayais de reprendre consistance.

"Je connais quelqu'un qui peut avoir des pistes pour ton affaire."

Je n'arrive même pas à croire que c'est moi qui vais proposer ça. Ma voix ne sonnait pas aussi assurée que j'aurais voulu.

"C'est un ... Un démon... S'il n'est pas spécialisé dans ce genre d'affaire, il connait cependant sur le bout des griffes les aspirations et les désirs de tous, et s'il ne sait pas, il est particulièrement doué pour faire dire la vérité à n'importe qui."

Mon sourire avait à présent presque totalement disparut. Je voulais juste m'assurer de ce que je savais déjà concernant ma démarcheuse.

"Il est certain qu'il vendra très cher ce genre d'informations, surtout venant d'une si ... Enfin, de toi. Sache juste que pour lui, rien ne se paye avec la chair, donc ne fais pas l'erreur de le lui proposer si l'envie t'en prend. Dans la famille ... Enfin, chez lui, on ne troque jamais contre du plaisir physique. S'il veut, il prend et il sait particulièrement bien y faire, je peu te l'assurer. Voilà ce que je peux te proposer de plus efficace. En revanche, es-tu vraiment prête à faire affaire avec un démon ?"

Si elle accepte, il faudra que je lui fasse un véritable tutoriel du "comment pactiser avec Papa". Même s'il est d'un abord chaleureux et amical, je ne sais que trop bien que son côté sombre et bestial n'est jamais bien loin. Il en faut terriblement peu avec lui pour se retrouver à faire des choses que l'on regrettera par la suite. J'essayais de me rassurer en me disant que dans le pire des cas, je pourrais toujours lui demander de m'apprendre à faire parler les gens et continuer à travailler sans lui sur l'enquête.

Dans l'expectative, je m'étais remise à sourire mais cette fois, un sourire nettement plus superficiel. J'espérais simplement que mon regard n'avait pas trahis l’appréhension que j'avais à revoir mon géniteur qui, j'en étais sure, voudrait ne faire qu'une bouchée de ma probable future conquête.