Les larmes de la mort [Solo Déria] - Terminé

Invité

3000 ans s'étaient écoulés depuis qu'Eria avait été bannie du paradis avec tous ceux qui s'étaient révoltés contre Dieu.

Elle se demandait encore comment elle avait pu être stupide au point de se laisser convaincre de participer à tout ceci, elle, petite angelote préposée aux écritures auprès d'Uriel.

Evidement à cette époque-là, elle était plutôt naïve, et surtout, elle s'ennuyait. Elle avait vu dans cette rébellion une occasion de s'amuser.

Elle avait payé cher, très cher, son manque de jugement. Comment avait-elle pu imaginer qu'une telle révolte pouvait aboutir ? Comment avait-elle pu imaginer que Dieu laisserait passer un tel affront ?

Elle ne savait même pas comment elle s'était retrouvée parmi les cinq lieutenants de l'enfer. Peut-être parce qu'elle était née en même temps que celui qui était devenu le démon de la souffrance ? Techniquement, elle était sa sœur. Et finalement, Mort et Souffrance vont souvent de pair.

Elle avait au moins vu un avantage à son nouveau statut. Elle était plus libre, elle pouvait aller et venir comme bon lui semblait, sans rendre de compte à personne. Même si elle savait que ses « frères » la méprisaient, elle s'en fichait.

Celle qu'elle considérait un peu comme sa petite sœur, Méridian, lui avait fait découvrir des choses intéressantes. Et elle avait pris l'habitude d'aller sur terre de temps à autre pour trouver un peu de tendresses. Toute démone de la mort qu'elle était, elle avait parfois besoin de se donner l'illusion d'être aimée.

Quand elle partait en escapade sur terre, elle prenait l'apparence d'une jeune femme brune, aux yeux sombres, plus ou moins belle, selon le but qu'elle cherchait à atteindre.

Ce jour-là, elle avait juste envie de sentir la chaleur du soleil sur sa peau. Elle ne recherchait pas la compagnie des humains. Elle avait pris une apparence plus commune et se promenait dans les bois.

Invité

C'est là qu'elle le rencontra.

Un chasseur.

Au détour d'un chemin.

Elle n'avait pu retenir un léger sursaut, elle était distraite et ne l'avait pas sentit avant, sinon, elle l'aurait probablement évité.

Ils étaient resté un instant immobiles, à se regarder en chien de faïence. Deria savait qu'elle ne risquait pas grand-chose dans un affrontement avec un humain de son genre, mais elle était contrariée d'avoir été surprise.

Ce fut lui qui fit le premier pas.

Il baissa l'arc qu'il tenait à la main et lui sourit en disant :

-« vous m'avez fait peur ! Il ne vient jamais personne dans cette partie de la forêt. »

Son sourire était agréable et le son de sa voix aussi.

-« J'aime la solitude. C'est pourquoi je suis venu ici » rétorqua-t-elle d'un ton qui aurait pu passer pour de l'arrogance, ce qui ne devait pas ressemblait au ton qu'adopterait une des petites paysannes du coin.

Il ne s'en formalisa pas et rit en lui tendant la main :

-« Je m'appelle Enoch et toi ? »

-« Eria. Je m'appelle Eria. » dit-elle sans vraiment comprendre pourquoi elle lui avait donné son ancien nom.

-« C'est joli comme prénom » lui dit-il.

Elle lui sourit à son tour. Sans vraiment comprendre pourquoi elle regrettait soudain d'avoir prit une apparence aussi commune.

Il proposa de la raccompagner jusqu'à la ville, et elle sourit, il leur faudrait quelques heures pour regagner la ville à pied et, sans vraiment savoir pourquoi, elle avait envie de prolonger leur rencontre.

Arrivé devant les portes, elle le remercia et le quitta. Elle regagna sa Crypte avec la sensation qu'il venait de se passer quelque chose de spécial, mais sans vraiment savoir quoi.

Invité

Quelques jours plus tard, elle eut envie de le revoir. Une envie irrépressible. Après avoir tenté vainement de se changer les idées, elle y céda.

Elle n'eut pas de mal à le localiser. Il vivait un peu à l'écart de la ville, dans une maison un peu délabrée.

Dans la cours devant la maison, se trouvaient quelques poules et des oies. Déria se sentit soudain bête d'être venue là.

Comment pourrait-elle justifier sa présence dans ce coin perdu ? Et puis, il avait peut-être une épouse qui pourrait prendre ombrage de la présence d'une femme sur leurs terres...

Avant qu'elle n'ait eu le temps de décider de repartir, elle entendit sa voix derrière elle :

-« Eria ? Qu'est-ce que tu fais là ? »

Elle se retourna vivement. Il ne semblait pas contrarié de la trouver sur le pas de sa porte, juste surprit.

-« Heu.... Je .... » tenta-t-elle, maudissant sa tête en coton qui n'était plus capable d'aligner deux pensées cohérentes.

Il rit et s'avança vers elle à grand pas pour la prendre dans ses bras et l'embrasser avidement.

Elle n'eut pas le temps de faire quoi que ce soit pour y échapper... encore qu'il aurait fallu qu'elle en ait la volonté.

Elle eut l'impression que son cœur allait sortir de sa poitrine. Jamais elle n'avait ressenti une telle émotion.

Elle ignorait même qu'on pouvait ressentir ce genre de chose.

Elle lui rendit son baiser avec passion, réalisant seulement à ce moment-là que c'était tout ce qu'elle avait espéré.

Elle le quitta discrètement, alors qu'il dormait, pour regagner les enfers, en se demandant ce qu'elle allait faire à présent.

Avant son bannissement, elle n'était jamais descendue sur terre, et elle n'avait jamais éprouvé ce genre de sentiments.

Et surtout, jamais personne ne l'avait regardée de cette façon. Jamais personne ne lui avait donné l'impression d'être « importante ».

Elle secoua la tête en se disant que l'expérience avait été intéressante, mais que ce ne serait pas raisonnable de poursuivre cette relation.

Mais, elle avait juste oublié que tout démon qu'elle soit devenue, elle avait toujours un cœur qui pouvait se mettre à battre à tout moment.

Invité

Après quelques jours, l'absence d'Enoch lui devint insupportable. Elle retourna sur terre.

Leur relation perdura, même si parfois elle pesait au jeune homme. Il ne comprenait pas pourquoi sa compagne disparaissait pendant de longues périodes, pourquoi elle refusait de l'épouser et de fonder une famille avec lui.

Déria se sentait parfois coupable envers lui. Il aurait dû rencontrer une jeune humaine, avoir des enfants. Elle ne pourrait jamais lui offrir ce qu'il attendait d'elle, et elle ne pouvait pas lui expliquer pourquoi.

Plusieurs fois, elle avait tenté de mettre fin à cette histoire, mais toujours elle était revenue.

Au fil du temps, ils s'étaient installés dans une certaine routine. Quand elle le pouvait, elle venait passer plusieurs jours avec lui dans la maison à l'orée du bois, et jouait les maîtresses de maison.

Mais, un nouveau problème se présenta à elle. Au fil des ans, il vieillissait, et elle savait qu'elle ne pouvait rien faire contre ça. Il était humain. Sa vie serait courte face à l'éternité de sa propre existence.

Elle s'était dit qu'elle récupérerait son âme, et qu'ainsi ils pourraient passer l'éternité ensemble, mais au fil du temps, elle réalisa qu'elle ne pourrait pas.

C'était un homme bon, peut-être était-ce pour ça qu'elle était tombée amoureuse de lui, on dit que les opposés s'attirent. Il n'avait pas sa place en enfer. Mais elle ne voulait pas non plus qu'il finisse comme une âme errante.

Pour lui, elle voulait une place au paradis. Même si ça impliquait qu'elle devrait négocier avec Uriel.

Mais, il n'était pas encore temps de penser à ça. Ils avaient encore quelques belles années devant eux.

Malheureusement, le temps d'y penser vint plus vite que ce qu'elle espérait. Enoch avait vécu jusqu'à un âge avancé pour un humain, et Déria était restée prés de lui, prenant soin de vieillir son apparence pour ne pas éveiller ses soupçons.

Un jour, le nom de son vieil amant apparu sur sa liste de ses éventuels clients. Elle se rendit à son chevet, dans la maison de la forêt et le trouva mourant.

Elle avait toujours su que ce moment viendrait, mais elle n'avait pas envisagé combien la souffrance serait intense à l'idée de le perdre.

Encore une fois, l'idée de prendre son âme pour le garder pour toujours auprès d'elle en enfer l'effleura. Mais un regard sur le visage du vieil homme l'en dissuada. À cause d'elle, il avait perdu sa vie. Il ne laissait pas de descendant derrière lui. Elle n'avait pas le droit de lui gâcher sa mort. Il ne méritait pas l'enfer. Il avait gagné sa place au paradis, elle n'avait aucun droit de l'en priver par pur égoïsme.

Ce jour-là, pour la première fois de sa longue vie, elle pleura, en caressant le front de celui qu'elle avait tant aimé.

Le moment était venu. Elle ne pouvait pas repousser plus longtemps sa rencontre avec Uriel.

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