L'éveil du loup [PV Sally Khurdwyr][Inachevé]

Voilà encore une joie que je redécouvrais. Quelque chose que j'avais depuis longtemps oublié. Depuis l'époque où je suis devenu démon. Depuis combien de temps n'avais-je point arpenté les sentiers battus des forêts ? Depuis combien de temps n'avais-je pas bondi au travers des racines et des branches, esquivant les troncs qui m'obligeaient à ne pas courir droit ? Depuis combien de temps n'avais-je pas ressenti cette liberté ?

M'arrêtant au sommet d'un petit ravin, je posais mon postérieur sur l'herbe verte et ensoleillée, humant l'air pur avec mon museau tendu vers le ciel.

Car oui, à ce moment, j'étais un loup.

Le loup. Un animal noble. A la fois solitaire et solidaire. Une créature sage et intelligente, qui s'adaptait fort bien à son environnement. Mon avatar. Du moins, celui que j'utilisais lorsqu'il m'arrivait d'arpenter la Terre lorsque je décidais (peu souvent) de descendre du Paradis. Quelle dommage que ma descente "définitive" du Paradis m'ait fait oublier ces quelques petits plaisirs que je m'accordais de temps à autre...

Mon pelage d'un gris très clair réverbérait la lumière du soleil, qui étendait ses rayons sur toute la surface laissée disponible par les arbres, longeant une grande rivière. Mes yeux, devenus dorés à cause de ma forme canine, scrutaient le long de la rivière, jusqu'à se poser sur une jeune femme, de grande taille, mais fine, dotée d'une tenue de cuir laissant ses muscles apparents, ses cheveux châtains noués en une natte.

Sentant en cette jeune femme le pouvoir d'un lycan, je décidais de m'allonger sur le rebord du ravin, mes pattes avant croisées se balançant dans le vide, la tête relevée vers elle, attendant patiemment qu'elle me remarque.

Invité

Sally se rafraîchissait tranquillement près de la rivière aux abords de la ville de Myth. Cela faisait quelques jours que son clan s'était installé en bordure de la ville mystérieuse, là où ils pouvaient observer sans se faire détecter. Ils n'étaient pas encore rentrés dans la ville même, pour le moment ils avaient décidé d'observer les allées et venues des marchands, voyageurs et autres visiteurs. Cependant jusqu'ici ils n'avaient rien vu de notable. Quelques caravanes à l'air louches peut-être, mais c'était tout. Sally trouvait cela légèrement décevant... Elle qui avait entendu tant de choses sur cette ville, finalement elle semblait n'avoir rien de particulier.

C'est pour cela qu'en cette matinée ensoleillé, Sally avait décidé de partir seule dans les bois. Elle avait confiance en ses capacités : à moins de tomber sur une vingtaine d'ivrognes, elle pouvait très bien se débrouiller toute seule. Accroupie aux bord de la rivière, la jeune femme s'aspergea de nouveau d'eau fraîche, décrassant par la-même son visage émacié.

Soudain, quelque chose en elle la prévint d'une présence. Depuis longtemps maintenant, une sorte d'instinct primaire au flair infaillible l'avertissait du danger et ce pouvoir allait en s'accroissant d'années en années. Sally ne stoppa pas ces mouvements, sachant par avance que si elle faisait ça, l'autre saurait qu'elle s'était aperçue de sa présence. Ami ou ennemi ? Elle n'en savait rien et à vrai dire, elle s'en fichait un peu. Si son adversaire esquissait le moindre mouvement suspect, elle lui trancherait la gorge.
Doucement, tout en continuant à faire semblant de se détendre, sa main gauche alla se poser sur le manche de sa hachette. L'arc dans son dos aurait bien trop attirer l'attention et la hachette, formidable arme pour les combats rapprochés, pouvait également être lancée. Qu'il soit proche ou loin, l'observateur imprudent était maintenant fait comme un rat.

Rapidement et tout en souplesse, la jeune femme fit un quart de tour sur elle-même tout en se relevant et se mit en position d'attaque. Sa longue natte lui fouetta le dos alors qu'elle stoppait touts mouvements, les yeux plissés en direction de la personne qui l'observait. En apparence, Sally semblait prête à passer à l'action, les traits figés sans qu'aucune expression ne viennent troubler son visage. A l'intérieur peur, fascination et incertitude chauffaient son cerveau à blanc.

Devant elle, non pas un homme mais un animal. Un animal qu'elle avait rencontré des années plus tôt, lui laissant une cicatrice sur la nuque et des souvenirs incertains. Un magnifique loup au pelage gris et aux yeux jaunes brillants d'intelligence lui faisait face. Sa taille et sa présence presque surnaturelle firent douter la jeune femme quant à la marche à suivre, et elle resta en position d'attaque, les muscles et l'esprit tendus, attendant que l'animal fasse le premier mouvement.

Hmm... Une lycan encore bien méfiante, que je voyais là. Ou plutôt, une humaine qui n'avait pas encore pris conscience de sa propre personne. Autrement, elle ne se méfierais point d'un loup, bien au contraire.

Mon regard perçant la regardait attentivement, alors que je ne bougeais pas de ma position décontractée au possible. La main sur sa hachette ne pouvait tromper personne : à la moindre action néfaste de ma part, l'arme volerait dans ma direction à coup sûr. Bien que la distance soit amplement suffisante pour que je puisse esquiver si jamais une telle chose devait arriver, je n'avais pas la moindre intention de déclencher une bagarre.

J'étais intéressé par cette jeune femme. Pas dans le sens comme un homme et une femme, non. Plutôt... Oui, comme si elle était une jeune femme égarée, ne sachant pas elle-même ce qu'elle était vraiment.

Ce qui était le cas.

Dans le passé, j'avais éduqué quelques uns de mes prisonniers prometteurs à l'art de la magie. Mais à l'époque, je n'avais fait cela que parce qu'il aurait été du gâchis de laisser de tels êtres pourrir dans ma prison. Aujourd'hui, j'étais différent. J'étais prêt à prendre cette jeune femme sous mon aile... Bien que les loups ne possèdent pas d'ailes... Sous ma patte ? Non...

Oh, et puis peu importe.

Tentant de la rassurer dans son approche, j'ouvrit grand la gueule pour baîller avant de reposer ma tête sur mes pattes avant, toujours en la regardant. J'espère au moins qu'elle comprendra que je ne cherchais pas à lui faire du mal...

Invité

Sally restait immobile, telle une statue de glace, alors qu'elle sentait l'animal la détailler. Ce n'était en aucun cas un loup ordinaire, ses yeux exprimaient bien trop d'émotions, comme un homme pourrait le faire. Elle attendait un mouvement de sa part, bon ou mauvais, pour agir.

Le loup sembla soudainement se détendre : il bâilla et reposa son immense tête sur ses pattes avant, tout en la fixant d'un air qui lui semblait pacifique. De longues secondes passèrent où la jeune femme et l'animal se fixèrent, l'ambiance autour d'eux se tendant légèrement tandis que le temps passait.

Sally resserra sa prise autour du manche de son arme et sa mâchoire se crispa : et si elle relâchait sa garde et qu'il lui sautait à la gorge, comme la dernière fois ? De vagues souvenirs remontèrent en elle... Lors de sa première rencontre avec le loup, elle n'avait pas prêté attention à l'attitude de l'animal : ses yeux braqués sur elle, ses babines légèrement retroussées, son arrière-train abaissé, prêt à sauter... Tous ces signaux d'attaque qu'elle n'avait pas repéré. Hors, ici le loup ne montrait aucun de ces signes, juste une apparence tranquille et bienveillante.

Le temps semblait figé alors que les deux protagonistes continuaient de se fixer, l'un tranquillement allongé, l'autre toujours tendue et prête à passer à l'attaque. Ignorant les questionnements intérieurs de la jeune femme face à lui, le loup ne semblait pour autant pas dérangé d'attendre.

Finalement, après ce qui semblait être un long moment, Sally relâcha légèrement la prise sur le manche de sa hachette et abaissa son arme. Elle se redressa, montrant par la même sa passivité. Cependant, la hachette resta dans sa main. Elle n'avait jamais accordé sa confiance à qui que ce soit depuis que Ravière, le premier homme qu'elle avait tué, l'avait trahie. Elle n'allait certainement pas l'accorder à un loup immense qui lui avait déjà sauté à la gorge il y a plusieurs années, quand bien même son attitude semblait amicale.
Vu que le loup avait fait le premier pas vers elle, Sally décida de faire le deuxième, bien qu'elle trouva ridicule le fait de parler à un animal.

«Allez-vous de nouveau tenter de m'égorger ? » demanda-t-elle d'un ton froid, sans qu'aucune once de peur ne vienne faire trembler sa voix.

"Allez-vous de nouveau tenter de m'égorger ?" me demanda-t-elle d'un ton froid, sans aucune frayeur.

Hmm ? De nouveau ? Tiens donc... Il semblerait que sa première rencontre avec un lycan a été une expérience plutôt douloureuse... et mémorable. Et en effet, en y regardant de plus près, j'apercevais une cicatrice autour de son cou, fort discrète, toutefois. Sans regarder attentivement, on y verrait que du feu. Ceci dit, si elle n'avait pas conscience d'être elle-même devenue lycan, c'est qu'elle avait dû rencontrer son agresseur sous sa forme canine complète. Et de ce que j'en savais, les humains ne différenciaient guère les animaux d'une même race entre eux, si ce n'est par leur sexe, et encore, cela s'appliquait rarement aux animaux sauvages.

Je ne sais pas vraiment ce qui m'a pris ensuite. En temps normal, je n'aurais sans doute pas réagi, attendant encore une autre remarque de sa part. Mais je ne pouvais me résoudre à ce que les autres fassent fausse route à mon sujet, aussi lui répondis-je, directement dans sa tête :

"De nouveau ? Je ne pense pas avoir eu affaire à toi par le passé, jeune dame. Et puis, je n'ai pas pour habitude d'attaquer les autres."

La tête qu'elle me montra ensuite tira du comique. Ses yeux écarquillés au possible n'avaient pas changé de direction et me fixaient toujours, bien qu'emplis d'une surprise qui se voyait à des mètres de distance. Il devait être rare de pouvoir observer un tel visage sur une femme à l'air aussi forte et débrouillarde qu'elle le semblait.

Mais très vite, elle se remit de ses émotions et commença à me fixer avec un regard à la fois soupçonneux et méfiant à mon égard. J'imagine que je ne pouvais lui en vouloir : ce n'était pas tous les jours qu'un loup communiquait en langue humaine, et encore moins par télépathie. Sa hachette trembla légèrement alors que les jointures de sa main blanchirent compte tenu de la force avec laquelle elle serrait l'arme.

Jouant au maximum sur l'innocence que je dégageais sous cette forme canine, je penchais la tête sur le côté, curieux :
"Quel est ton nom ?"

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